Wednesday, May 11, 2022

Jardins et potagers agro-écologique à Maurice

 


Déploiement de l'agroécologie à Maurice 


Initiative de Forma’Terra : les étudiants de La Confiance initiés à l’agroécologie


  • Pendant une semaine, ils ont travaillé en collaboration avec des jeunes du Lycée agricole Émile Boyer de la Giroday, de La Réunion
  • Les enseignants de cette institution secondaire également formés aux principes de l’agriculture durable

Dans le cadre d’un projet pédagogique, une équipe du Lycée agricole Émile Boyer de la Giroday de Saint-Paul, La-Réunion, est à Maurice depuis plus d’une semaine. Celui-ci consiste entre autres à mettre en place un projet d’agroécologie faisant partie intégrante de leur parcours de BTS en Développement et Agriculture des Régions Chaudes et BTS Technico-commercial agrofournitures. Pour cela, ils ont fait un échange avec le collège La Confiance, qui compte l’agriculture dans son programme d’études depuis 1970. Une semaine riche en échanges et en partage pour les deux groupes d’étudiants, qui insistent sur la nécessité pour les jeunes de s’engager dans l’agriculture durable.


Cet échange est le fruit d’une collaboration entre Forma’Terra, entité placée sous le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation français, qui gère le lycée agricole Émile Boyer de la Giroday, l’ambassade de France, le groupe Médine et le FAREI, de Maurice. Des formations à plusieurs niveaux ont ainsi été organisées dans le secteur agricole. Celle avec les étudiants relève d’une importance particulière, étant donné qu’il y a une certaine perception que les jeunes ne s’intéressent pas aux métiers de la terre.

Avec leur dynamisme et leur maîtrise des différentes techniques de l’agroécologie, les jeunes Réunionnais ont prouvé le contraire. Une passion et une connaissance qu’ils ont voulu transmettre à leurs camarades du collège La Confiance de Beau-Bassin. Didier Ramay, professeur d’agronomie et chargé de la coopération régionale au lycée, explique : « nous sommes un lycée technique offrant des formations de niveau BAC, ainsi que des formations supérieures courtes et des BTS et Licence Pro en agronomie, en agriculture biologique. Nous avons une certaine expertise pour tout ce qui est agriculture durable et en agrobiologie. Nous avons 150 jeunes en formation à partir de la seconde jusqu’à la licence professionnelle. »

Le projet à Maurice concerne deux classes de BTS. D’une part, ceux du BTS techno-commerciaux en agrofournitures. « Ce sont des jeunes qui vont travailler plutôt dans la vente de produits agricoles. » D’autre part, les jeunes du BTS Développement d’Agriculture en Régions Chaudes (DARC). « Donc, ce sont les techniciens, ce qu’on appelle les extensions, qui vont travailler dans des organismes pour développer une agriculture durable sur le territoire de La Réunion ou s’installer en tant que chef d’entreprise agricole. »

Dans le cadre de leur formation, les jeunes du BTS DARC ont un module professionnel intitulé projet agronomique. Celui-ci se fait généralement en dehors de l’île sœur. « Nous l’avons fait pendant des années en Afrique du Sud et, depuis cette année, on a décidé de le faire à Maurice », dit-il.  Pour cela, il fallait trouver un établissement qui était intéressé par un projet agronomique et qui avait une section agricole. « C’est l’ambassade de France qui nous a donc orientés vers le Collège La Confiance. On nous a dit que c’était un lycée qui avait un jardin expérimental, pédagogique, et que cela créerait de la dynamique et qu’on ferait une formation en agroécologie. »

Après discussions avec le SeDEC et la direction du collège La Confiance, un espace a été mis à la disposition des Réunionnais pour créer un jardin. « Nous avons dit aux jeunes : Voilà, vous avez cet espace. Vous devez former d’autres jeunes en agroécologie, comment allez-vous procéder ? Ils ont donc décidé de faire comme on l’avait fait en Afrique du Sud, c’est-à-dire une formation terrain, en créant un potager écologique où on pourra appliquer toutes les techniques actuelles de l’agroécologie», poursuit-il.  Cela implique l’utilisation de matières organiques, créer des associations de cultures pour les protéger, mettre des arbustes aromatiques, également pour la protection, faire du compostage, et ainsi de suite. « Surtout, c’est un projet participatif, avec des échanges mutuels. »

Un jardin sur 240 mètres carrés à La-Confiance avec différentes techniques de culture a ainsi été créé. Les étudiants, sous la direction de leurs enseignants, ont eux-mêmes mis en place les différentes cultures selon différentes techniques de l’agriculture durable. Tous les participants ont reçu une attestation de formation en agroécologie en fin de la semaine.

Les témoignages recueillis attestent que cet échange a été des plus enrichissants, en dépit du décalage d’âge entre les deux groupes. Ceux de La-Réunion ont en effet entre 20 et 22 ans, étant en formation post-BAC, tandis que les jeunes de La-Confiance de Grades 9 au 12 ont entre 15 et 19 ans et étudient l’agriculture.

Ryan Pragassa, étudiant en Grade 12 au Collège La-Confiance  note que « cet échange se passe très bien. Ce sont des gens très sympas et très intéressants. Ils partagent leur expérience avec nous sur l’agroécologie. » Lui, qui a étudié l’agriculture jusqu’au School Certificate, regrette cependant que cette matière ne soit pas au programme d’études au niveau de HSC. « Avec le Covid-19, il est devenu d’autant plus important de développer les compétences en agriculture », déclare-t-il.

Laika Boura, en BTS DARC 2e année au Lycée agricole Émile Boyer de la Giroday, confie qu’elle est contente de faire partie de ce projet. « Le but de cet échange pédagogique est d’aider à permettre aux jeunes ici de faire un jardin. Nous leur montrons plusieurs techniques pour cela. C’est enrichissant », dit-elle en avouant n’avoir pas choisi l’agriculture au départ. « C’est venu par défaut. Au début je n’étais pas très contente, mais par la suite, j’ai beaucoup aimé. Cela me plaît. Il y a beaucoup d’avenir pour les jeunes, surtout avec tout ce qui se passe en ce moment », concède-t-elle.

Jocelyn Coudret, chef du département d’agriculture, souligne que le projet a commencé à se mettre en place il y a trois ou quatre mois. « Nous avons eu des échanges avec des profs de là-bas, et même les élèves. Ils ont fait le plan de chez eux. Nous nous sommes là pour donner de l’espace. Ils nous ont demandé 300 m2, ce qui n’est pas difficile pour nous. Depuis lundi, ils travaillent en collaboration avec nos étudiants », dira-t-il.

Il avance que l’intérêt des jeunes pour l’agriculture varie en fonction de la situation. « Quand il faut faire de la théorie en classe, cela intéresse moins, mais dès que nous sommes dans le jardin à passer à la pratique, un dynamisme se crée », reconnaît-il. Le collège La-Confiance a su maintenir l’agriculture au programme depuis 1970 grâce à l’initiative de Frère Rémi et de Frère Anthony, ainsi que d’enseignants motivés qui encouragent les élèves, ajoute-t-il.

Avec les nouveaux Challenges, qui se présentent et la nécessité d’aller vers l’autosuffisance alimentaire, Jocelyn Coudret plaide pour que l’agriculture puisse être proposée également en HSC. « Il faut travailler sur un syllabus pour Cambridge. Il est grand temps d’y penser. Nos élèves sont très intéressés, nous avons eu l’occasion de produire des classés au niveau national et international. Parfois, ils veulent poursuivre, mais ils n’en ont pas la possibilité. D’autres poursuivent leur parcours au niveau de l’université », propose-t-il.

En parallèle à l’échange entre étudiants, deux formations en agroécologie so,nt au programme pour les formateurs en agriculture du collège La-Confiance, mais aussi du MITD et d’autres institutions. Deux formateurs en agroécologie de Forma’Terra ont aussi fait le déplacement à cet effet. Tous ceux qui ont participé à ce projet, étudiants aussi bien que formateurs, recevront une attestation en agroécologie.


L’agroécologie en question

Didier Ramay explique que l’agroécologie est l’avenir de l’agriculture. « À Maurice comme à La Réunion, on est dans des milieux tropicaux insulaires restreints et très dépendants des intrants. On s’est rendu compte qu’on avait des écosystèmes extrêmement riches, avec l’écosystème matin et les forêts tropicales, etc. », fait-il comprendre.

Jusqu’ici, on utilisait beaucoup d’intrants chimiques, des pesticides, des engrais, et ainsi de suite. « Non seulement cela nous rend dépendant de l’extérieur, mais cela a un impact sur la santé humaine, les ressources en eau, la biodiversité, etc. », ajoute-t-il.

Le but de l’agroécologie est de réduire l’impact négatif de l’agriculture conventionnelle sur le territoire et d’aller vers une agriculture saine, qui donne des produits sains et qui utilise des matériaux locaux. « Par exemple, on peut remplacer un engrais pour remplacer de l’azote par une matière organique locale, comme le composte ou des effluents d’élevage. Cela libère de l’achat d’azote sous sa forme chimique. »

Même chose pour le phosphore et le potassium. On valorise tous les déchets verts. « Par exemple, ici, à La-Confiance, il y a aussi un petit élevage de volailles, nous en valoriserons les effluents. En même temps, c’est le recyclage des déchets organiques dans le potager. Nous avons également mis en place des systèmes de protection pour favoriser la diversité et protéger les cultures des insectes auxiliaires. »

Un espace périphérique a ainsi été créé avec des plantes aromatiques pour l’accueil de ces insectes auxiliaires de ravageurs de culture. « Nous faisons de l’association de cultures également, pour éviter la monoculture, qui favorise parfois des attaques massives d’insectes. Le but, c’est de réduire à zéro les intrants chimiques et de pouvoir dire aux consommateurs qu’ils mangent des légumes sains, bons pour la santé. »

Didier Ramay ajoute que La-Réunion a déjà commencé sa transition agroécologique. « Ici aussi il y a des projets dans ce sens, notamment le projet Vélo Vert ou le programme SMART de la Chambre d’agriculture. Je sens qu’il y a un dynamisme à Maurice, qui veut cultiver différemment. Il faut arrêter l’utilisation massive des intrants, des polluants, qui provoquent des problèmes de santé dans la population. » Il ajoute qu’il faut apprendre à cultiver comme le faisaient nos ancêtres, de manière autonome, et avoir une agriculture respectueuse de l’environnement et de la santé. « C’est cela l’agroécologie. »


Les jeunes et l’agriculture

Alors qu’on parle souvent de désintéressement des jeunes pour le travail de la terre, Didier Ramay précise qu’à son établissement, le problème ne se pose pas. « Le métier d’agriculteur a toujours été associé à l’échec, donc à une vision un peu négative. Métier dur, dans la terre, dans la boue, à petite échelle et qui ne rapporte pas grand-chose. Des gens qui ne sont pas dans un système social qui leur permet de prendre des vacances, d’avoir une voiture, etc. Nous, on a contourné le problème pour dire qu’un chef d’entreprise agricole peut être l’équivalent d’un commerçant, d’un employé de bureau, mais il faut lui donner les moyens d’accéder aux marchés locaux et à l’exportation. »

Pour cela, ajoute-t-il, on forme des jeunes en agriculture et on leur donne des diplômes technologiques, qui permettent d’accéder aux terres, de les développer et d’avoir la fierté de nourrir la population. « J’ai noté que les jeunes de La-Confiance sont venus travailler pendant leurs vacances. Ils sont là tous les jours à 8h et sont assez fiers de participer à ce projet. Ils sont donc intéressés. L’idée est de les qualifier par un vrai diplôme. »

Il dit avoir noté qu’à Maurice, il n’y avait soit pas de diplôme soit de diplômes très élevés. « C’est-à-dire, d’une part, que vous avez les petits ouvriers qui vont reprendre la culture familiale et, de l’autre, des agronomes universitaires. Et là, ce sont plutôt des cadres, et ils ne sont pas dans les champs. » Selon lui, il faut avoir un diplôme intermédiaire comme le BAC Pro pour maîtriser la pratique ou le BAC Technologique, pour les pratiques innovantes, et le BTS, pour valoriser les produits agricoles.


Les principes du Wicking Bed ou bacopotager

Jérémie Jonové, de la filière BTS DARC, est très appliqué dans la réalisation d’un Wiking Bed. Il explique les principes de cette méthode de culture, adaptée surtout pour ceux qui vivent en appartement ou qui n’ont pas d’espaces cultivables.

« Pour réaliser le Wicking Bed, il nous faut un cadre, dans lequel on installe un plastique étanche à l’intérieur pour que l’eau ne s’écoule pas. Ensuite, on dispose des graviers ou des morceaux de galets, pour que cela garde l’eau à chaud », explique-t-il.

Ensuite, on place un géotextile ou un bout de tissu sur les graviers pour empêcher la terre et les graviers de se mélanger. En dernier lieu, on dispose la terre mélangée avec du fumier. « Le principe du Wicking Bed est de ne pas utiliser d’intrants. Ce type de culture est adapté pour les personnes en appartement. On peut y cultiver des salades, des aromates, des oignons verts, mais pas d’arbustes », poursuit-il.

Un tuyau est placé en vertical dans le Wicking Bed. « On verse l’eau dedans et, avec le soleil et la vapeur, ça va monter par capillarité pour nourrir les plantes. Cela permet aussi de ne pas irriguer tous les jours. L’eau dans le bac peut durer jusqu’à un mois. Donc, il y a moins d’entretien. »

Jérémie Donové conclut que c’est un plaisir pour ses amis et lui d’être là, pour partager leurs connaissances avec d’autres jeunes. « L’agriculture est une filière qui a de l’avenir. D’après ce que j’ai compris, il n’y a pas beaucoup de jeunes qui étudient l’agriculture à Maurice. Notre but, justement, est de les ramener vers la terre. Les élèves de La Confiance sont très motivés. C’est encourageant pour nous. »

Source: Initiative de Forma’Terra : les étudiants de La Confiance initiés à l’agroécologie | Le Mauricien



Source : L'express du 11.05.2022

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